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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/596

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de même que ceux qui faisaient, dans le désert, une provision plus considérable qu’il n’était permis, ne ramassaient pas de la manne, mais une plus grande quantité de vers et de pourriture, de même, dans cette vie de délices et de faim cupide, ce n’est pas une plus grande quantité d’aliments, mais de corruption, que rainassent les gens adonnés à leur ventre, les gens qui s’enivrent. Il y a toutefois cette différence que ceux d’aujourd’hui sont plus coupables que les hommes d’autrefois ; il suffit aux anciens hommes d’une seule correction, pour revenir à la sagesse ; au contraire, ces hommes d’aujourd’hui introduisent chaque jour dans leur intérieur un ver bien plus funeste que celui du désert, et ils ne le sentent pas, et ils ne sont pas rassasiés. Voyez encore ce qui prouve la ressemblance entre les hommes de nos jours et ceux d’autrefois, quant à la vanité du travail qu’ils se donnent. {car en ce qui concerne le châtiment, il est aujourd’hui beaucoup plus terrible). En quoi le riche est-il différent du pauvre ? N’est-ce pas, des deux côtés, même corps à revêtir ? même ventre à nourrir ? En quoi donc est le plus ? L’avantage des inquiétudes, l’avantage des dépenses, l’avantage de désobéir à Dieu, l’avantage de corrompre sa chair, l’avantage de perdre son âme, voilà les avantages du riche, ce qu’il a de plus que le pauvre. S’il avait plus de ventres à remplir, il aurait peut-être quelque excuse fondée sur ses besoins plus considérables, sur la nécessité de faire plus de dépenses. Mais maintenant aussi, objectera-t-on, les riches peuvent alléguer qu’ils ont plus de ventres à remplir, à savoir ceux de leurs Serviteurs et de leurs servantes. Mais ce n’est ni par nécessité, ni par bonté, ni par humanité qu’ils se conduisent, ils n’écoutent que le faste et l’orgueil, on ne veut pas de leur excuse.
Car à quoi bon tant de serviteurs ? De même que, pour les vêtements, c’est l’utilité seule qu’il faut considérer, ainsi que pour la table, de même pour ce qui touche, les serviteurs. Quelle en est donc l’utilité ? Utilité nulle : un seul domestique devrait suffire à un maître, ou plutôt deux et trois maîtres devraient se contenter d’un seul. Si cette manière de vivre vous semble pénible, considérez ceux qui n’en ont pas même un, et chez qui le service est plus expéditif ; car Dieu a fait des serviteurs qui se suffisent à eux-mêmes pour se servir, et, qui plus est, servir le prochain. Si vous refusez de m’en croire, écoutez Paul : « Ces mains que vous voyez ont suffi à mes besoins et aux besoins de ceux qui étaient avec moi ». (Act. 20,34) Ainsi le docteur du monde entier, digne de résider au ciel, n’a pas rougi de se faire le serviteur d’une foule de, milliers d’hommes ; et vous, si vous ne promenez pas des troupeaux d’esclaves, vous avez honte, et vous ne comprenez pas que ce sont précisément ces esclaves innombrables qui doivent vous rendre honteux ? Si Dieu nous a donné des mains et des pieds, c’est pour que nous n’ayons pas besoin de serviteurs. Ce n’est pas la nécessité qui a introduit dans le monde la classe des serviteurs ; s’ils eussent été nécessaires, leu même temps qu’Adam, un serviteur eût été créé : c’est la peine du péché et le châtiment dé la désobéissance. L’avènement du Christ a réparé aussi cette inégalité de condition : « Car en Jésus-Christ, il n’y a plus ni esclave ni homme libre ». (Gal. 3,28) Voilà ce qui prouve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des esclaves ; que si c’est nécessaire, un serviteur suffit, ou deux, au plus : Que signifient ces essaims de domestiques ? Comme des marchands de moutons, comme des trafiquants d’esclaves, on les voit aux bains, on les voit sur la place publique s’étaler, ces riches, avec leurs troupeaux. Eh bien, je ne veux pas traiter l’affaire en rigueur, ayez jusqu’à deux serviteurs ; mais quand vous en rassemblez des bandes, ce n’est pas par amour pour les hommes, c’est pour satisfaire votre mollesse ; prouvez votre sollicitude en n’assujettissant jamais un homme à votre service personnel. Achetez des esclaves, instruisez-les, mettez-les en état de se suffire à eux-mêmes, affranchissez-les. Quand vous les meurtrissez de vos verges, quand vous les chargez de fers, vous ne faites pas assurément un acte d’humanité. Je sais bien que je suis à charge à ceux qui m’écoutent, mais qu’y faire ? Je suis ici pour cela, et je ne cesserai pas de répéter ces choses, avec ou sans profit.
Que signifie cet orgueil qui écarte les passants au forum ? Vous croyez-vous au milieu de bêtes sauvages, pour, repousser ainsi les gens sur votre chemin ? Rassurez-vous, on ne veut pas vous mordre, on passe auprès de vous, voilà tout. Mais c’est pour vous une insulte