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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/68

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souffrir davantage ; mais par l’un nous arriverons à l’autre. C’est là la dignité des disciples du Christ. Ils avaient crucifié celui qui était venu leur faire du bien ; ils avaient flagellé le maître des disciples, et néanmoins, il les appelle au même honneur que ses disciples, il leur communique des biens comme à eux. Soyons, je vous en prie, les imitateurs du Christ ; c’est en cela qu’il faut l’imiter, par là nous serons égaux à Dieu ; c’est une chose plus qu’humaine. Pratiquons l’aumône : c’est à son école que s’apprend cette philosophie. Celui qui sait avoir pitié du malheureux, saura aussi oublier les injures ; et celui qui sait oublier les injures, pourra aussi faire du bien à ses ennemis. Apprenons à compatir aux maux du prochain, et nous saurons aussi supporter ses mauvais traitements. Demandons à celui qui est mal disposé à notre égard, s’il ne se condamne pas lui-même, s’il ne voudrait pas être sage, s’il ne dit pas que tout est l’effet de la colère, de la bassesse, de l’infortune, s’il n’aimerait pas mieux être du côté de ceux qui supportent l’injure en silence que du côté de ceux qui la font dans un accès de fureur, s’il n’admire pas celui qui souffre. Et ne croyez pas que cette conduite rende méprisable. Rien ne rend méprisable comme de commettre l’injure ; rien ne rend respectable comme de la supporter. Par l’un on est injuste, par l’autre on est philosophe ; l’un ravale au-dessous de l’homme, l’autre met au niveau de l’ange. Quand même l’injurié serait moindre que celui qui l’injurie, il pourrait encore s’en venger, s’il le voulait. En tout cas l’un excite la compassion de tout le monde, l’autre est un objet de haine. Quoi ! Le premier n’est-il pas de beaucoup meilleur que l’autre ? Tous regarderont l’un comme un furieux et l’autre comme un homme sensé. Quand donc on veut vous forcer à dire du mal de quelqu’un, répondez : Je ne puis médire de cet homme, car je ne sais s’il est tel que vous le dites. Gardez-vous surtout d’en penser du mal ou d’en dire à un autre, ou d’en demander à Dieu contre lui. Si vous le voyez accuser, défendez-le ; dites : c’est la passion qui a parlé, et non l’homme ; c’est le courroux, et non l’amitié ; c’est la colère, et non l’âme. Pour chaque faute raisonnons ainsi. N’attendez pas que le feu s’allume ; étouffez-le dès l’abord ; n’irritez pas la bête féroce et ne la laissez pas s’irriter ; car vous ne seriez plus le maître d’éteindre l’incendie. Qu’a-t-il dit ? Fou ? insensé ? Mais lequel est responsable du mot, de celui qui le dit ou de celui qui l’entend ? Celui qui le dit, fût-il sage, passera pour un fou ; celui à qui on l’adresse, fût-il insensé, passera pour un sage et un philosophe. Lequel, dites-moi, est insensé, de celui qui avance des faussetés, ou de celui qui n’en est pas même ému ? Car s’il est d’un sage de ne pas s’émouvoir même quand on l’excite ; de quelle folie taxera-t-on celui qui s’émeut sans cause ? Je ne parle pas encore des supplices réservés à ceux qui injurient ou outragent leur prochain. Mais quoi ! il a traité son semblable de méprisable parmi les méprisables, de vil parmi les vils ? Encore une fois, l’injure retombe sur sa tête. C’est lui qui paraît réellement vil, tandis que l’autre passera pour honorable et digne de respect ; car faire un crime à quelqu’un de telles choses, je veux parler de l’obscurité de la naissance, est l’indice d’une âme basse. Mais celui-là est vraiment grand, vraiment admirable, qui regarde ces injures comme rien et les écoute avec autant de plaisir que si on lui attribuait quelque qualité. Mais on l’accuse d’adultère et d’autres crimes de ce genre ? C’est le cas de rire alors : quand la conscience ne reproche rien, il n’y a pas lieu dé se fâcher. Même en songeant aux paroles méchantes et impures qu’il profère, vous ne devez pas vous affliger. Il n’a fait que révéler d’avance ce qui aurait été connu plus tard de chacun ; il se montre aux yeux de tous comme indigne de confiance, lui qui ne sait pas cacher les défauts du prochain ; il se nuit donc plus qu’à un autre, il se ferme le port, et se prépare un compte terrible au dernier jugement. Il sera bien plus repoussé que l’autre, lui qui a révélé ce qui devait rester secret. Quant à vous, taisez ce que vous savez, si vous voulez avoir une bonne réputation, non seulement vous détruirez ce qui a été dit et vous ne le révélerez pas ; mais vous obtiendrez encore un autre avantage : vous échapperez à toute condamnation. Un tel a dit du mal de vous ? Dites : S’il savait tout, il ne se serait pas borné à cela.
Vous avez admiré ce que j’ai dit ? vous en avez été frappés ? mais il faut le mettre en pratique. C’est pour cela que nous vous citons les paroles des infidèles ; non que les Écritures n’en renferment un grand nombre de semblables, mais parce que celles-là sont plus