Page:Jean Paul - Sur l’éducation, 1886, trad. Favre.djvu/27

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quant et quant de craindre les hommes, » il n’est pas possible d’en représenter plus richement l’horreur, la vilité et le desreglement ; car que pout-on imaginer plus vilain que d’estre couard à l’endroict des hommes et brave à l’endroict de Dieu ? Notre intelligence se conduisant par la seule voye de la parole, celuy qui la faulse trahit la société publicque : c’est le seul util par le moyen duquel se communiquent nos volontez et nos pensées, c’est le truchement de nostre âme ; s’il nous fault, nous ne nous tenons plus, nous ne nous entrecognoissons plus ; s’il nous trompe, il rompt tout nostre commerce, et dissoult toutes les liaisons de nostre police. »

Nous n’avons pu résister au désir de rappeler ces paroles saisissantes de Montaigne, qui nous impressionnent plus que tout ce qui a été dit de plus éloquent sur le mensonge par les moralistes et les auteurs sacrés. Il n’y a rien qui donne aussi bien l’idée de la hauteur d’âme de Montaigne que cette page où il laisse éclater sa noble indignation contre « la menterie », son respect de la dignité humaine et de la parole humaine « ce truchement de nostre âme ». En la citant tout entière, nous ne craignons pas d’avoir donné une trop grande place à cette vertu fondamentale, la droiture, sans laquelle il n’y a point de grandeur morale. Jean-Paul l’appelle « la fleur de la force morale », et elle nous semble réunir comme on un faisceau indivisible foutes les vertus qui constituent la grandeur : l’honneur, la probité, la fermeté,