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CHAPITRE XVIII


Ce qu’on peut appeler loix et police civile entre les sauvages : comment ils traittent et reçoivent humainement leurs amis qui les vont visiter : et des pleurs et discours joyeux que les femmes font à leur arrivée et bien-venue.


Quant à la police de nos sauvages, c’est une chose presque incroyable, et qui ne se peut dire sans faire honte à ceux qui ont les loix divines et humaines, comme estans seulement conduits par leur naturel, quelque corrompu qu’il soit, s’entretiennent et vivent si bien en paix les uns avec les autres. J’enten toutesfois chacune nation entre elle mesme, ou celles qui sont alliées ensemble : car quant aux ennemis, il a esté veu en son lieu comme ils sont estrangement traitez. Que si cependant il advient que quelques uns querellent (ce qui se fait si peu souvent que durant pres d’un an que j’ay esté avec eux je ne les ay jamais veu debatre que deux fois), tant s’en faut que les autres taschent de les separer ni d’y mettre la paix, qu’au contraire quand les contestans se devroyent crever les yeux l’un l’autre, sans leur rien dire ils les laisseront faire. Toutesfois si aucun est blessé par son prochain, et que celuy qui a fait le coup soit apprehendé, il en recevra autant au mesme endroit de son corps par les