Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/131

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neantmoins veu avoir à de jeunes enfans qui en estoyent aussi couverts, qu’on en voit par deçà estre de la petite verole. Mais, au reste, ceste contagion se convertissant en pustules plus larges que le pouce, lesquelles s’espandent par tout le corps et jusques au visage : ceux qui en sont entachez en portent aussi bien les marques toute leur vie, que font les verolez et chancreux de par deçà, de leur turpitude et vilenie. Et de fait j’ay veu en ce pays-là un Truchement, natif de Rouen, lequel s’estant veautré en toutes sortes de paillardises parmi les femmes et filles sauvages, en avoit si bien receu son salaire, que son corps et son visage estans aussi couverts et deffigurez de ces Pians que s’il eust esté vray ladre, les places y estoyent tellement imprimées, qu’impossible luy fut de jamais les effacer : aussi est ceste maladie la plus dangereuse en ceste terre du Bresil. Ainsi pour reprendre mon premier propos, les Ameriquains ont ceste coustume, que quant au traitement de la bouche de leurs malades : si celuy qui est detenu au lict devoit demeurer un mois sans manger, on ne luy en donnera jamais qu’il n’en demande : mesme, quelque grieve que soit la maladie, les autres qui sont en santé, suyvant leur coustume, ne laisseront pas pour cela, beuvans, sautans, et chantans, de faire bruit autour du pauvre patient : lequel aussi de son costé sachant bien qu’il ne gagneroit rien de s’en fascher, aime mieux avoir les oreilles rompues que d’en dire mot. Toutesfois s’il advient qu’il meure, et sur tout si c’est quelque bon pere de famille, la chantrerie estant soudain tournée en pleurs, ils lamentent de telle façon, que si nous nous trouvions en quelque village où il y eust un mort, ou il ne falloit pas faire estat d’y coucher, ou ne se pas attendre de dormir la nuict. Mais principalement c’est merveille