Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouvoir a sa racine dans le cœur de tout individu mâle chef de famille, et de tous ceux qui se voient dans l’avenir investis de cette dignité. Le rustre exerce ou peut exercer sa part de domination comme le plus noble personnage. C’est même pour celui-là que le désir du pouvoir est le plus intense, car celui qui désire le pouvoir veut surtout l’exercer sur ceux qui l’entourent, avec qui sa vie s’écoule, auxquels il est uni par des intérêts communs, et qui, s’ils étaient indépendants de son autorité, pourraient le plus souvent en profiter pour contrarier ses préférences particulières. Si, dans les exemples cités, on n’a renversé qu’au prix de tant d’efforts et de temps des pouvoirs manifestement basés sur la force seule et beaucoup moins bien étayés, à plus forte raison le pouvoir de l’homme sur la femme, ne reposât-il pas sur un fondement plus solide, doit-il être inexpugnable. Nous remarquerons aussi que les possesseurs de ce pouvoir sont bien mieux placés que les autres pour empêcher qu’on ne se soulève pour l’abattre. Ici le sujet vit sous l’œil, et on peut dire sous la propre main du maître : dans une union bien plus intime avec le maître qu’avec tout autre compagnon de servitude ; il n’a pas de moyen de comploter contre lui, pas de force pour le vaincre même sur un seul point, et d’un autre côté il a les plus fortes raisons de rechercher sa faveur et d’éviter de