Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contre ceux qui ne sont pas obligés de le supporter, il n’est pas possible de présumer le genre de conduite qu’il tiendra chez lui, quand il sera maître absolu. Les hommes les plus communs réservent le côté violent, morose, ouvertement égoïste de leur caractère pour ceux qui n’ont pas le pouvoir de leur résister. La relation de supérieur à subordonné est la pépinière de ces vices de caractère ; partout où ils existent, c’est de là qu’ils tirent leur sève. Un homme violent et morose avec ses égaux est assurément un homme qui a vécu parmi des inférieurs qu’il pouvait dominer par la crainte ou par les vexations. Si la famille est, comme on le dit souvent, une école de sympathie, de tendresse, d’un affectueux oubli de soi-même, c’est encore plus souvent pour son chef une école d’entêtement, d’arrogance, de laisser aller sans limite, et d’un égoïsme raffiné et idéalisé dont le sacrifice n’est lui-même qu’une forme particulière, puisqu’il ne prend intérêt à sa femme et à ses enfants que parce qu’ils sont une partie de ses propriétés, puisqu’il sacrifie de toutes les façons leur bonheur à ses plus légères préférences. Qu’attendre de mieux de la forme actuelle de l’union conjugale ? Nous savons que les mauvais penchants de la nature humaine ne restent dans leurs limites que lorsqu’il ne leur est pas permis de se donner carrière. On sait que par un pen-