Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/69

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chant, ou par une habitude, sinon de propos délibéré, presque tout le monde empiète toujours sur celui qui cède jusqu’à le forcer à la résistance. C’est en présence de ces tendances actuelles de la nature humaine que nos institutions actuelles donnent à l’homme un pouvoir à peu près illimité sur un membre de l’humanité – celui avec lequel il demeure, qu’il a toujours avec lui. Ce pouvoir va chercher les germes latents d’égoïsme dans les replis les plus cachés du cœur de l’homme, y ranime les plus faibles étincelles, souffle sur le feu qui couvait, et lâche la bride à des penchants que dans d’autres circonstances l’homme aurait senti la nécessité de réprimer et de dissimuler au point de se faire avec le temps une seconde nature. Je sais qu’il y a un revers à la médaille, je reconnais que, si la femme ne peut résister, il lui reste au moins les représailles ; elle a le pouvoir de rendre la vie de l’homme très malheureuse, et s’en sert pour faire prévaloir sa volonté sur bien des points où elle doit l’emporter, et aussi sur beaucoup où elle ne le devrait pas. Mais cet instrument de protection personnelle, qu’on pourrait appeler la puissance de la criaillerie, la sanction de la mauvaise humeur, a un vice fatal ; c’est qu’il sert le plus souvent contre les maîtres les moins tyranniques, et en faveur des subordonnés les moins dignes. C’est l’arme des femmes irritables et