Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/104

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Haut-Pont », sur la rivière de Racovat, près de Vasluiu, pour défendre la route qui menait vers sa résidence lointaine, doit être considérée comme une des plus importantes de l’époque ; on y vit une infanterie serrée, soutenue par l’action de l’artillerie. Dans les forêts impénétrables, comme celle de Crasna, où Bogdan, père d’Etienne, avait attendu les Polonais, sur un terrain que le dégel subit avait rendu marécageux, le prince moldave affronta, le 10 janvier 1475, les troupes aguerries du beglerbeg de Roumélie d’Europe, Soliman l’Eunuque, accouru d’Albanie pour mettre fin à la dangereuse provocation roumaine. La défaite des Turcs fut complète ; le Pacha perdit la plus grande partie de ses troupes, dans la bataille même et dans une retraite désastreuse. Etienne, qui vivait exclusivement dans les idées de la Bible, ne se considérait que comme un nouveau David choisi par le Dieu des armées pour abattre le géant infidèle ; il n’envoya pas moins à tous les princes de la chrétienté une missive dans laquelle, après avoir énuméré les chefs qui avaient commandé l’armée ennemie, il lançait en terminant ce fier cri de victoire : « Lorsque nous avons vu cette grande armée, nous nous sommes levés vaillamment, avec notre corps et nos armes, et nous nous sommes opposés à leurs attaques ; et, Dieu tout-puissant venant à notre aide, nous avons vaincu cet ennemi, le nôtre et celui de toute la chrétienté ; nous l’avons détruit, et il a été foulé sous nos pieds ».

Cette victoire permit au prince roumain d’élargir ses relations diplomatiques qui s’étaient bornées jusqu’alors à un voisinage immédiat ; au nom de la cause de la chrétienté qu’il défendait si énergiquement, il envoya des ambassadeurs à Venise, à Rome, à Florence, probablement à Gènes, peut-être même au roi de Naples ; bref à tous les membres de la Ligue chrétienne, dont Etienne connaissait sans doute les intentions,