Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/184

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Michel était mort ; son fils, encore enfant, Nicolas Petrascu (Pierre), devait vivre une existence mesquine, quémandant les aumônes de l’Empereur ; sa femme, sa fille, s’étaient réfugiées dans le couvent de Cozia, auprès de la vieille mère du Voévode. Mais son souvenir resta vivant à travers les siècles. Dans la Transylvanie, où il y eut même parmi ses auxiliaires hongrois des amis qui pleurèrent sa franche bravoure, les Roumains conservèrent l’organisation religieuse qu’il leur avait donnée ; tout un mouvement littéraire put se développer sous son ombre. En Valachie et en Moldavie, l’activité aventureuse de la chevalerie des boïars s’était manifestée avec un élan que la catastrophe de Turda ne pouvait pas arrêter.

La chevalerie roumaine après la mort de Michel-le-Brave.— Ceux des boïars valaques qui tenaient à l’humiliante tranquillité achetée aux Turcs par le tribut et les présents, s’empressèrent de reconnaître Radu, fils de Mihnea le Renégat et fastueux élève des écoles de Venise, diplomate avisé et grand favori de la Porte, qui eut en lui son plus fidèle auxiliaire. D’autres cependant lui préféraient Siméon Movila, soutenu aussi par les Tatars ; ce Moldave, qui aimait la guerre sans pouvoir gagner la victoire, put donc délivrer les diplômes, qui, étant rédigés dans le désordre des camps, abandonnent le slavon des lettrés — ainsi que cela était arrivé quelques fois sous Michel lui-même — pour introduire le style diplomatique roumain, tout nouveau. La plupart cependant acclamèrent l’Empereur, malgré le crime perpétré en son nom, parce qu’il paraissait leur promettre, non seulement un idéal de liberté chrétienne, mais aussi la possibilité de ces ex-ploits dont Michel avait, par sa bravoure, ouvert la bril-lante série. Maudissant la prudence timide du maître que voulaient imposer les Turcs, auxquels Radu était