Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/204

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comme des Voévodes pauvres ne faisaient que passer sur un trône dénué de prestige, pendant que Miron Costin et son frère appelaient de tous leurs vœux une autonomie sous la domination polonaise, Bràncoveanu était souvent le vrai maître des deux principautés. Son influence s’étendait aussi sur la Transylvanie, où il faillit être prince et qu’il traversa en vainqueur (1691) pour y imposer, avec les Turcs et les Tatars, le règne éphémère d’Eméric Tököly, client du Sultan. Dans un autre sens et sous une autre forme, il rappelait Michel-le-Brave et Etienne-le-Grand.

L’interprétation littéraire de ce règne brillant se trouve dans une œuvre dont il ne nous est malheureusement parvenu que des fragments ; elle est due à l’oncle même du prince, le Grand-Stolnic Constantin Can-tacuzène, dont la sœur avait été la mère de Brânco-veanu. Cet autre petit-fils de Radu Serban et descendant des empereurs byzantins, qui n’oubliait guère sa glorieuse généalogie, avait fait des études à Constanti-nople, puis, cas très rare encore, à Venise et à Padoue, où il s’initia à la civilisation latine de la Renaissance. Mêlé à toutes les affaires de la principauté, conseiller respecté d’un neveu qu’il réussit plus tard à renverser, il ne trouva pas trop de loisirs pour donner la forme écrite à une pensée large et fière. Dans son Histoire des Roumains, dont la conception est plus vaste que celle de l’ouvrage de Miron Costin, car il comprenait aussi les congénères des Balcans et comptait exposer dans son ensemble unitaire le passé de la race entière, le Cantacuzène fit preuve d’une érudition critique que le Grand-Logothète moldave n’avait pas possédée ; il sut classer et discuter avec sagacité les témoignages des sources intérieures et extérieures, des chartes de donation, des chants populaires, dont il appréciait l’importance. Plus d’une fois sa voix s’éleva, éloquente.