Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/292

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le fils d’un fermier ; Grigorescu avait commencé par fabriquer des icônes pour les églises de village. Non seulement par son labeur incessant, qui donne à la Roumanie agraire toutes ses richesses, mais aussi par d’autres manifestation, il a montré que l’avenir doit reposer sur ses robustes épaules ; négligé, maltraité, pressuré par l’étranger et par les siens mêmes, ce peuple de paysans réussit, par son énergie invincible, à vaincre toutes les résistances, à maintenir la vitalité de la race. La vie des Roumains de Transylvanie ne repose guère sur le clergé, qui ne s’est pas toujours rappelé la prédication de Saguna et n’a pas conservé assez fidèlement son héritage : maint évêque fut un fidèle serviteur du gouvernement, jusqu’au méprisable Basile Mangra, actuellement chef, à force d’humiliations et de trahisons au service du comte Tisza, de l’Église des Roumains orthodoxes. Elle ne compte pas sur le talent et les connaissances de la classe des intellectuels, qui, après avoir arraché aux prélats la conduite de la lutte pour le droit, se prêta trop souvent aux concessions et qui ne comprit pas toujours le seul rôle de protestation implacable que peuvent avoir ses représentants au Parlement des usurpateurs à Budapest : il y a eu parmi eux des opportunistes et de simples démagogues. Le vrai héroïsme ne se rencontre que dans les masses paysannes, qui, dans des élections faites à prix d’argent, sous le gourdin des agents et le fusil des gendarmes, n’hésitent pas à donner leur vote oral aux candidats du parti national. Elles supportent une charge plus lourde que les 300.000 frères qu’elles ont en Bucovine, pays d’État autrichien, car à la contribution que leur impose le Trésor, elles en ajoutent volontairement une autre destinée à entretenir toute l’organisation de l’Église et toute la vie scolaire ; et elles ne s’en plaignent pas, toutes fières de vivre par elles-mêmes.