Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/291

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Cette littérature, venant des profondeurs de la vie nationale elle-même, accéléra le développement de la nation. Elle trouva cependant des adversaires. Vers 1890, le culte de l’imitation prétentieuse réapparut, et il eut encore ses adeptes. Mais la revue Samanatorul « Le Semeur », qui parut à Bucarest, avec des collaborateurs appartenant à toutes les provinces roumaines, le culte du passé, le sentiment de la beauté qui se dégage du chant populaire, l’étude attentive des réalités nationales s’exprimèrent de nouveau et gagnèrent la victoire. Les nouvelles de M. Sadoveanu, de Sandu-Aldea (les fines esquisses psychologiques de J. Bratescu-Voinesti n’ont pas la même origine), la poésie si douce de tons et si riche en nuances de St. O. Iosif, les grands éclats de voix qui se mêlent aux scènes rurales attendries d’Octavien Goga, influencé dans la partie combattive de son œuvre par la lyrique magyare de Petöffy, appartiennent à ce mouvement de réaction, dont l’influence dure encore.

Les autres arts fournirent aussi leur part à cette grande œuvre de vérité. Une inspiration analogue domine dans la « symphonie roumaine » de Georges Enesco. Il en est de même de la peinture nouvelle : Eminescu et Cosbuc, mieux qu’Alecsandri, surfait et doucereux dans ses scènes populaires, se retrouvent dans les riches poèmes campagnards de Nicolas Gri-gorescu (mort plus récemment), dont les prés fleuris, les ruisseaux argentins, les lents chariots traînés par des bœufs classiques, les frêles pastourelles et les bergers aux clairs yeux noirs, donnent, sous un ciel bleu ou gris-perle, dans les nuages de poussière des grandes routes ou dans la transparence d’atmosphère des lisières de forêt, toute l’idylle rurale de ce peuple. C’est lui, ce peuple, qui est l’inspirateur de la civilisation moderne ; il donna aussi à la nation les premiers de ses écrivains et de ses artistes : Enesco est