Page:Joseph Louis de Lagrange - Œuvres, Tome 14.djvu/181

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même corde[1] viennent des autres corps ébranlés et je ne vois pas pourquoi ce phénomène doit être regardé comme le principe de la Musique plutôt que les proportions véritables qui en sont le fondement. Je crois encore avoir bien déterminé le degré d’agrément avec lequel on entend deux sons donnés, et de là deux sons en raison s’aperçoivent[2] plus aisément que s’ils étaient en raison Mais je crois qu’ici il faut avoir égard à un préjugé, par lequel on suppose d’avance la proportion des sons, et alors une aberration est insupportable. Comme celui qui accorde un violon, si deux cordes se trouvent dans l’intervalle d’une sixte, il les juge fausses, puisqu’il prétend que leur intervalle soit une quinte. Ainsi, pour l’intervalle il sera fort difficile de prendre cet intervalle tel qu’il est ; on s’imaginera toujours qu’il devrait être celui de à étant mal accordé. Il ne s’agit que de prévenir ce préjugé pour mettre en usage l’intervalle mais il faudrait aussi pour cela des règles particulières de composition.

Je viens d’achever le IIIe Volume de ma Mécanique, qui roule sur le mouvement des corps solides inflexibles. J’y ai découvert des principes tout à fait nouveaux et de la dernière importance. Pour qu’un tel corps tourne librement autour d’un axe, il ne suffit pas que cet axe passe par le centre de gravité (ou plutôt par le centre d’inertie du corps) ; mais il faut outre cela que toutes les forces centrifuges se détruisent. Il est bien évident que, dans tous les corps, toutes les lignes qui passent par son centre d’inertie n’ont pas cette propriété. Or j’ai démontré que dans tous les corps, quelque irréguliers qu’ils soient, il y a toujours trois telles lignes perpendiculaires entre elles, que je nomme les trois axes principaux du corps, par rapport auxquels je détermine ensuite les moments d’inertie, et cette considération m’a mis en état de résoudre quantité de problèmes, qui m’avaient paru insolubles auparavant ; comme, ayant imprimé à un corps quelconque un mouvement quelconque, de déterminer la continuation de ce mouvement, faisant

  1. Voir Rameau, Génération harmonique ou Traité de Musique théorique et pratique, Paris, 1737, in-8o, Chap. VIII, p. 105.
  2. s’apercoivent, il aurait dû écrire : se perçoivent.