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21.
EULER À LAGRANGE.
Berlin, le 3 mai 1766[1].
Monsieur et très cher Confrère,

Je dois bien commencer par vous demander mille pardons de ce que j’ai si longtemps différé de vous répondre à la lettre obligeante dont vous m’avez bien voulu honorer. Je suis sans doute infiniment charmé que votre illustre Société a si bien reçu les Mémoires que j’avais pris la liberté de vous envoyer, et je suis tout impatient de voir bientôt le troisième Volume de vos Ouvrages, pour y voir la continuation de vos profondes recherches sur cette nouvelle partie de l’Analyse, dont les premiers principes même ont été inconnus avant que vous en ayez entrepris le développement avec le plus heureux succès. Je me flatte que la présente foire de Leipzig me procurera ce précieux présent. Mais, pour justifier mon long silence, je dois vous informer, monsieur, que depuis longtemps je me trouve dans le plus grand embarras, qui m’a presque entièrement empêché de-m’appliquer à aucune recherche, et j’avais honte de vous écrire une lettre tout à fait vide de recherches géométriques ; or, aussi à l’heure qu’il est, je n’en suis pas en état ; de grandes raisons m’ayant déterminé de solliciter ici mon congé pour retourner à Pétersbourg, où la plus avantageuse vocation[2] de l’Impératrice m’appelle. Vous savez sans doute que l’Académie de Russie est depuis quelque temps fort tombée en décadence mais, maintenant sa Majesté Impériale a formé le dessein de rétablir cette Académie dans son ancien lustre et de lui donner même plus d’éclat, vu qu’elle y a destiné un fonds de roubles par an. Dans cette vue, sa Majesté veut bien m’honorer de sa haute confiance, en m’appelant pour diriger et exécuter ce grand dessein, où il s’agit principale-

  1. Ms. t. IV, f° 20 bis. – Opera postuma, t. I, p. 567.
  2. Vocation, appel, offre.