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25.
EULER À LAGRANGE.
Saint-Pétersbourg, ce mars 1770[1].
Monsieur et très honoré Confrère,

Votre prompte réponse sur les remarques que j’avais eu l’honneur de vous communiquer m’a causé bien du plaisir, et je vous en suis infiniment obligé. Je me suis fait lire toutes les opérations que vous avez faites sur la formule et je suis entièrement convaincu de leur solidité ; mais, étant hors d’état de lire ou d’écrire moi-même, je dois vous avouer que mon imagination n’a pas été capable de saisir le fondement de toutes les déductions que vous avez été obligé de faire et encore moins de fixer dans mon esprit la signification de toutes les lettres que vous y avez introduites. Il est bien vrai que de semblables recherches ont fait autrefois mes délices et m’ont coûté bien du temps ; mais à présent je ne saurais plus entreprendre que celles que je suis capable de développer dans ma tête et souvent je suis obligé de recourir à un ami pour exécuter les calculs que mon imagination projette.

Pour ce qui regarde le problème de deux nombres dont le produit, étant tant augmenté que diminué de leurs sommes aussi bien que de leurs différences, produise des carrés, il m’a été autrefois proposé par un certain capitaine, M. de Kappe, qui me dit l’avoir reçu d’un ami de Leipzig, qui s’était longtemps inutilementoccupé à en trouver une solution, et que lui-même y avait épuisé toutes ses forces sans aucun fruit. Il m’a donc demandé si je croyais ce problème possible ou non. Je lui répondis d’abord que ce problème me paraissait d’une nature singulière et surpassait même les règles connues de l’analyse de Diophante ; en quoi je ne crois pas m’être trompé. Cependant, après quelques

  1. Ms. f° 30. – Opera postuma, t. 1, p. 574.