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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Bernheim[1] ; puis, à la réflexion, il ne se souvient plus de quel ouvrage il s’agit : est-ce « le manuel définitif » ou le projet de manuel ou autre chose ? Plus tard, enfin, il affirme qu’« en réalité, il ne l’a pas eu », que Bernheim lui a envoyé un autre document.

Se serait-il procuré ailleurs le manuel ?

Quoi qu’il en soit, c’est peu de jours après avoir entre-

  1. Voici ses versions successives : 1° Lettre du 25 octobre 1897 au ministre de la Guerre : « Un seul (des documents énumérés au bordereau) a été entre mes mains ; encore ne suis-je pas sûr s’il s’agit du projet de manuel de tir ou d’un manuel définitif. Il m’a été adressé par un officier israélite et à une époque bien postérieure aux seules manœuvres pour lesquelles j’ai été désigné en 1894 (manœuvres de cadres). » — 2° Article Dixi dans la Libre Parole du 15 novembre 1897 : « La victime (Esterhazy) n’avait même pas pu connaître les documents énumérés dans le bordereau, sauf un seul, qu’un juif lui avait prêté postérieurement aux événements. » — 3° Enquête Pellieux, interrogatoire du 25 novembre 1897 : « J’ai eu entre les mains, comme je l’ai dit au ministre, un manuel de tir dont je ne me rappelle pas le titre exact ; ce manuel m’a été prêté, en août 1894, par un officier d’artillerie dont j’ai fait connaissance à Rouen en août 1894, le lieutenant Bernheim. » (Cass., II, 99.) — On attribuait alors au bordereau la fausse date de mai 1894, et Esterhazy pouvait dire sans danger qu’il avait eu le manuel en août. — 4° Instruction Ravary, interrogatoire du 7 décembre 1897 : « Je n’ai eu, au courant de l’année 1894, qu’un seul document émanant de l’artillerie ; ce document était-il le projet en question ou autre chose ? Je ne m’en souviens pas bien. C’est un officier en garnison au Mans, M. Bernheim, qui m’a été présenté par occasion et, à la suite d’une conversation sur le tir, m’a offert de m’envoyer cet ouvrage. « (Cass., II, 112.) — 5° Conseil de guerre, audience du 10 janvier 1898 : « Quand j’ai vu le bordereau, j’ai cru que j’avais pu avoir ce document ; mais, en réalité, je ne l’ai pas eu. Je n’ai eu qu’un document qui m’a été procuré par un lieutenant d’artillerie que je connaissais, M. Bernheim, quelques jours avant mon départ. » Et encore : « On a fait une enquête, on a découvert que M. Bernheim ne m’avait pas envoyé le manuel de tir figurant au bordereau, mais le manuel de 1881, ouvrage que l’on trouve couramment dans toutes les librairies militaires pour 0 fr. 80. » Il dit qu’il « accepta la proposition de Bernheim parce qu’il avait à faire une conférence ». (Procès, 131).