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ESTERHAZY

La parole seule d’Esterhazy ne vaut rien : les manœuvres de mai, les écoles à feu de Châlons, qu’il a suivies sur sa demande, en 1894, il niera, en 1897, avoir pu écrire qu’il allait y partir, « puisqu’il était major[1] ».

Le bordereau, selon l’habitude presque constante d’Esterhazy, n’est pas daté ; et il n’est pas signé davantage, par prudence et parce que cela est inutile. Et tous les graphismes familiers de l’espion s’y retrouvent : les paragraphes qui ne forment pas alinéas, ne rentrent pas sur les autres lignes, certaines lettres ou même des syllabes entières dont les caractères, dans le même mot, sont plus gros que le reste, les mots qui ne sont presque jamais coupés en fin de ligne, le double ss inversé à l’allemande, la forme particulière des M majuscules, du v et de l’o qui ressemblent au sigma grec, de l’i pointé, du g pareil à un y[2].

La lettre était écrite sur le papier pelure habituel d’Esterhazy, filigrane et quadrillé, très léger[3], ce

  1. « Comment aurais-je écrit que j’allais partir en manœuvres puisque j’étais major à mon régiment (à Rouen) et qu’en cette qualité je n’étais pas appelé à prendre part à ces manœuvres ? J’insiste sur ce point parce que je considère qu’il a une grosse importance. » (Écho de Paris, 19 nov. 1897.)
  2. Procès Zola, I, 496, Paul Meyer ; 506, Auguste Molinier ; 513, Émile Molinier ; 540, Havet ; II, 62, Paul Moriaud ; 89, Giry ; 95, Héricourt. — Cass., I, 502, Charavay ; Gobert ; 647, Paul Meyer ; 648, Auguste Molinier ; 650, Giry ; II, 342, Charavay. — Rennes, II, 307, Gobert ; 465, Charavay ; 470, Pelletier ; III, 5, Paul Meyer ; 19, Molinier ; 32, Giry.
  3. Cass., I, 680 et suiv. Rapport des experts Patin, Choquet, Marion, sur le bordereau, la lettre d’Esterhazy à Rieu, du 17 avril 1892, et sa lettre à Callé, du 17 août 1894 : « Ce papier est appelé demi-pelure ; nous le croyons collé à la colle végétale. Il est filigrané après fabrication de rayures en quadrillage. Ce quadrillage est de 4 millimètres sur chaque sens… La nuance du papier du bordereau et celle de la lettre de Rouen du 17 août 1894 sont identiques ; la nuance du papier de la lettre de Courbevoie, du 17 avril 1892, est légèrement plus blanche…