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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


VII

Quelle que fût la confiance de Picquart dans ses collaborateurs et subalternes, il voulut, du premier jour, étant le chef, agir en chef. Depuis deux ans qu’il était en relations avec le bureau, il s’était rendu compte des abus qui s’y étaient introduits.

Le service, sous Sandherr, se faisait « en famille[1] » ; lorsqu’il commença à s’affaiblir, le laisser aller, peu à peu, dégénéra en anarchie. Henry, mal vu de Sandherr, lia d’abord partie avec Lauth. Celui-ci, de famille alsacienne, protestant et qui enrageait de l’être, rongé d’ambition, le muffle d’un dogue, l’œil faux du chat sous le lorgnon, était, par la culture et le rang social, très supérieur à Henry. Une affinité plus basse, les mêmes jalousies et les mêmes haines, les maria l’un à l’autre ; ils devinrent inséparables, travaillant côte à côte, montant ensemble à cheval tous les matins, venant au bureau, s’en retournant de com-

    de la Justice, note inspirée par Roget, à qui l’idée avait été suggérée par Cuignet, qui s’en vante Instr. Tavernier, 17 oct. 1898). C’était Mathieu Dreyfus, comme on l’a vu, qui avait fait filer Donin (p. 183). Pendant le procès Zola, d’Orval, qui ignorait encore la dénonciation de Du Paty, dit à Roget que Picquart avait employé à son égard les mêmes manœuvres qu’à l’égard d’Esterhazy (Rennes, I, 307, Roget). Il existe au ministère de la Guerre une longue note de Du Paty sous ce titre : « Les agissements de d’Orval ; comment j’ai été mis sur sa trace, moyens employés pour l’empêcher de nuire. » Ce travail, de décembre 1897, a fait l’objet d’un contre-rapport de Cuignet, en 1899.

  1. Cass., I, 305 ; Rennes, II, 519, Cordier.