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HENRY


il était a voulu le faire poursuivre ; ses chefs n’étaient pas de cet avis. C’est l’officier qui a été brisé et c’est le coupable qui est resté[1]. »

Picquart vit dans cette allusion une preuve du dévouement d’Henry, inconscient de la laideur d’un tel conseil, mais qui le donnait par amitié et par reconnaissance. Âme simple du paysan champenois, dont la culture morale est rudimentaire, à peine effleurée par un soc trop peu profond, mais généreuse et bonne !

« Vous parlez d’or, répondit-il, mais il y a une question de conscience ; je ne peux pas dire le contraire de ce que je pense[2]. »

Henry comprit que Picquart était incorrigible, qu’il restait l’ennemi et qu’il recommencerait à la première occasion. Il ne suffisait donc pas d’éloigner un tel homme ; il le fallait abîmer. Bien loin de regretter son bon mouvement, il n’a qu’à s’en féliciter, puisqu’il lui doit un avertissement aussi précieux. Et, sans retard, il se remet à la besogne.

VI

La rentrée des Chambres avait été fixée au 27 octobre. Dans la presse, dans les couloirs du ministère, on recommençait à s’entretenir de l’interpellation de Castelin. Billot croyait, comme Picquart (trompés tous deux par Guénée), que le député de l’Aisne, à la solde des Dreyfus, allait provoquer un scandale et dénoncer de prétendues complicités civiles. En fait, Castelin était

  1. Rennes, I, 447, Picquart.
  2. Ibid., 448, Picquart.