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HENRY

Gonse n’eut pas un doute[1], (ou feignit de n’en pas avoir). Et l’étonnante opportunité de cette trouvaille ne le surprit pas, à la veille de l’interpellation Castelin, à cette heure critique où Billot, troublé par les discours de Picquart, hésitait à marcher. Maintenant, il va marcher et du bon pas[2] !

Au contraire, Gonse vit dans cet étonnant hasard une preuve qu’il y a une Providence pour les braves gens. Enfin, le nom du Juif, et en toutes lettres, paraît dans un billet de Panizzardi à Schwarzkoppen[3] ! Avec quel soin ils avaient, l’un et l’autre, évité jusque-là de l’écrire ! Quel trouble est le leur pour qu’ils commettent cette imprudence ! Et, du même coup, ils avouent ce que Boisdeffre, Mercier, dans leur sagesse, ont toujours soutenu : que l’Italien a servi d’intermédiaire à Dreyfus près de l’Allemand et que, tous deux, l’Allemand, l’Italien, ont menti à leurs Gouvernements respectifs ! C’est ce que Boisdeffre disait encore, l’autre jour, à Picquart, pendant leur promenade[4], et, surtout, à Billot[5].

Ou si Gonse ne fit pas ce raisonnement imbécile, s’il ne fut pas la dupe d’Henry, c’est qu’il fut son complice, ayant combiné avec lui l’imposture, ou soupçonnant le faux et s’en taisant[6].

  1. Cass., I, 263, Boisdeffre : « L’authenticité de la pièce ne faisait pas de doute ; elle ne souleva aucun doute. »
  2. Cass., I, 337, Barthou : « J’ai l’impression que le faux Henry a été fabriqué pour dissiper les doutes du général Billot. »
  3. Cass., I, 24, Cavaignac : « Henry a été amené, par une perversion morale, à créer un papier qui pût établir à lui seul la culpabilité de Dreyfus. »
  4. Cass., I, 171, Picquart : « J’en déduisis que le général avait dû parler devant Henry, qui en avait fait son profit. »
  5. Cass., I, 251, Gonse ; Rennes, I, 449, Picquart.
  6. Quesnay de Beaurepaire : « Il tombe sous le sens qu’un sous-ordre ne se livre pas à ce travail sans en avoir reçu man-