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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rappelé. Nécessairement, Christian l’en informe, et il s’en lamente alors avec lui, retournant le couteau dans la plaie : « C’est d’autant plus écœurant, mon cher enfant, que c’est à une femme qu’on s’est adressé cette fois… Mais, hélas ! c’est la vérité, et toute tentative pour châtier ces gens ne ferait qu’augmenter le scandale[1]. » Il faut donc regarder bien en face cette situation « abominable » ; et la conclusion, c’est qu’à de tels maux, il n’existe qu’un « palliatif » : rien qu’un riche mariage peut sauver Christian, et, encore, bien qu’il ait à peine vingt et un ans, à condition qu’il se hâte, qu’il devance ses ennemis, avant que les calomnies répandues ne lui rendent impossible cette unique chance de gagner la bataille de la vie :

Crois-moi, plus on ira, plus l’argent sera tout, le maître souverain du monde. Et, dès lors, sois riche, très riche, applique toutes tes forces, toute ta volonté, toute ton intelligence à ce but unique… Je regrette bien de ne pas l’avoir compris plus tôt. Toi, au moins, profite de mon expérience et de ce que j’ai souffert ; tu m’en remercieras[2].

Au surplus, « il n’y a, pour Christian, qu’une manière de se marier richement, c’est de tromper les gens (il faut dire les choses comme elles sont), en se faisant passer pour un gentilhomme, avec une fortune très modeste, mais titré, porteur d’un nom illustre, comte Palatin et descendant d’Arpad. »

L’idée étant venue à Christian de se faire d’abord une situation par le travail, d’entrer, par exemple, dans le journalisme, ou dans une maison de coulisse : « Cela est idiot et grotesque, lui répond le

  1. Lettre de mars 1897.
  2. Même lettre.