Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/584

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
574
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


le père Du Lac[1], qui avait su ses dissentiments avec son mari au sujet de Picquart, puis sa rupture avec le colonel, la promesse qu’elle avait faite à son mari de ne plus le revoir. Ainsi était descendu jusqu’à Henry, à travers d’immondes commérages, le secret de la confession trahi par un jésuite.

    rance » et la « dame voilée ».

  1. Le père Du Lac m’a dit, à moi-même, le 10 juin 1899, qu’il avait supposé que la dame voilée était son ancienne pénitente, qu’il convenait de s’être trompé, mais qu’il n’avait point violé le secret de la confession à son égard. Il me priait d’obtenir de Mme Monnier qu’elle rétractât la déclaration qu’elle avait faite, d’abord verbalement, puis, par écrit, au juge Bertulus. Celui-ci en avait déposé devant la Cour de cassation en ces termes : « Mme Monnier me dit qu’elle était l’objet d’une machination et que les éléments nécessaires à cette machination n’avaient pu être fournis que par quelqu’un très au courant de ses dissentiments avec son mari au sujet de Picquart, et ensuite de sa réconciliation avec son mari obtenue grâce à une lettre d’elle promettant de ne plus revoir Picquart. Elle disait enfin que la seule personne qui ait pu donner les renseignements permettant d’insinuer qu’elle était la dame voilée, parce que, seule, elle présentait les conditions requises, la grande affection et la rupture, ce ne pouvait être que le père Du Lac, son directeur, celui aussi de son mari, qui avait pris la part la plus active à son retour au foyer conjugal. » Deux fois, par lettre, au cours du procès Zola, le jésuite l’avait mandée auprès de lui, mais elle avait refusé de s’y rendre, « ne voulant pas lui dire en face le soupçon qu’elle avait contre lui » (Cass., I, 235, Bertulus ; dossier, lettre de Mme Monnier relatant ces incidents). — Au cours du procès Zola, Mme Monnier avait été dénoncée à Bertulus, comme étant la dame voilée, par les généraux Gonse et de Pellieux (Cass., I, 284). Cela est avoué par Gonse (I, 570). Esterhazy la désigna également à Bertulus (II, 226). Il dit que « son nom lui avait été révélé par le général de Pellieux, qui pensait que ce pouvait être la dame voilée » (II, 278). Le P. Du Lac renouvela son démenti par une lettre à l’abbé Gayraud, qui en donna lecture à la Chambre (23 mars 1903).