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LA COLLUSION

V

D’autres opérations encore furent engagées.

Le retour de Scheurer à Paris était annoncé pour la fin de la semaine[1] ; il n’y avait pas de temps à perdre.

Le témoignage de Picquart était ce que les protecteurs d’Esterhazy redoutaient le plus.

Boisdeffre savait, par Gonse, que Picquart allait prendre son congé annuel, venir à Paris[2]. Il manda, en conséquence, au général Leclerc, d’abord de garder Picquart à Sousse, puis de « lui faire continuer sa mission sans interruption[3] ».

Cependant l’éloignement du témoin principal n’est qu’un palliatif.

Ce même jour où Henry remit la lettre Espérance à Esterhazy et où Boisdeffre envoya ses instructions au général Leclerc, le capitaine Lebrun-Renaud fut mandé par Gonse à l’État-Major[4]. Au lendemain de la

  1. Il y rentra le samedi 22 octobre. On put savoir par son concierge la date de son retour ; Boisdeffre put savoir également que le bureau du Sénat était invité à chasser, le dimanche 23, chez le Président de la République, à Rambouillet.
  2. Cass., I, 197, Picquart : « Gonse s’en était assuré auprès d’un de mes amis, en prétextant qu’il avait des papiers à me remettre, ce qui était absolument inexact. »
  3. Cass., I, 197 ; Rennes, I, 461, Picquart. — Cass., I, 254, Gonse : « On donna l’ordre au général Leclerc d’envoyer Picquart à Bizerte, où l’on faisait de nombreux travaux, afin d’y organiser la surveillance des étrangers. »
  4. Gonse dépose que Billot lui avait prescrit « de réunir tout ce qui avait trait aux aveux de Dreyfus et de faire faire, notamment, une déclaration écrite au capitaine Lebrun-Renaud, ce qui fut fait vers la fin d’octobre 1897 » (Cass., I, 246). Billot n’en dit rien. Gonse dit qu’il sortit de l’armoire de fer la lettre