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ESTERHAZY


s’affichant avec des drôlesses[1]. En moins de cinq ans, tout ce qu’il put distraire de la fortune conjugale, par un remploi dotal frauduleux[2] et d’autres manœuvres, fut dilapidé[3].

Et, dès que l’argent manqua, il retomba aux pratiques, aux escroqueries d’avant son mariage. À Courbevoie, il déménage sans payer son terme et, poursuivi, jure qu’il a perdu la quittance de loyer[4]. Au tailleur Rieu, qui lui réclame son dû, il exhibe de faux talons de poste comme une preuve d’acomptes qui se seraient perdus en route[5]. Un autre fournisseur,

  1. Impliqué dans une affaire de détournement de mineures (Cass., I, 713, Grenier), il ne s’en tira qu’en achetant le silence des maîtres-chanteurs qui l’avaient dénoncé.
  2. « En 1892, Esterhazy, de concert avec…, négocia 135.000 fr. de bonnes valeurs appartenant à Mme Esterhazy et, à titre de remploi dotal, acheta un immeuble (grevé d’hypothèques), d’une valeur fictive de 135.000 fr., qu’il paya en réalité 100.000. » (Rapport de Picquart au ministre de la Guerre, novembre 1896.) — L’immeuble est situé à Belleville, 42, rue des Cascades. — (Cf. Procès Zola, I, 313, Picquart ; Cass., I, 706, lettre d’Esterhazy à Jules Roche ; I, 713, Grenier.) L’annulation de la vente fut prononcée, le 17 juillet 1901, à la requête de Mme Esterhazy, par la première chambre du tribunal de la Seine. Le jugement condamna solidairement Esterhazy, les vendeurs et le notaire à rembourser 96.381 francs.
  3. — Dans une lettre d’Esterhazy à un agent d’affaires : « À la suite de grandes pertes faites à la Bourse et qui avaient compromis la fortune de ma femme, etc. ». La séparation de biens fut prononcée par la suite.
  4. Procès Zola, I, 313, Picquart ; Instr. Tavernier, Rapport Desvernine. — Tribunal civil de Rouen, audience du 23 juin 1894. Le tribunal, ne pouvant mettre en doute la parole d’un officier, déboute le propriétaire de l’immeuble, mais n’accorde pas à Esterhazy les 500 francs de dommages-intérêts qu’il avait eu l’audace de demander. (Affaire Raulin c. Esterhazy.)
  5. Cass., I, 673, Schmidt, agent d’affaires ; 674, Rieu, tailleur. — Lettre d’Esterhazy (sur papier pelure), datée de Courbevoie, le 17 avril 1892.