trouvé trois fois des écritures exactement semblables[1], cela ne prouve rien. » Scheurer répète que le coupable, c’est Esterhazy. « Quelles preuves en as-tu ? interroge Billot. — Fais ton enquête, mais ne te laisse pas tromper. — Je fais cette enquête tous les jours depuis que je suis ministre[2] ; mes renseignements m’ont été donnés par le général Gonse, un brave homme. — Es-tu sûr que Gonse lui-même n’a pas été trompé ? — Je ne dis pas que Dreyfus n’ait pas eu de complices ; on en a toujours ; d’ailleurs, il a avoué ses relations avec un attaché étranger. » Scheurer proteste contre cette nouvelle invention : « Je ne te croyais pas aussi naïf. — Tu ne sais pas, réplique Billot, le quart de cette histoire. » (Il voudrait lui faire nommer Picquart.) — « Démontre-moi que Dreyfus est coupable et je m’en irai tranquille. » Alors Billot patauge. Faire cette démonstration, il ne le peut pas ; des pièces ont été dérobées à l’ambassade d’Allemagne ; à son ambassade, l’Allemagne est chez elle ; quand l’affaire a éclaté, Hanotaux en a été malade ; c’est une des causes de la démission de Casimir-Perier ; on a été à la veille de la guerre. « Te moques-tu de moi ? » dit Scheurer. Il lui fait observer que le bordereau a été publié, reproduit en fac-similé dans toute l’Europe ; pourtant, l’Allemagne n’a pas bronché. « Dreyfus, interrompt Billot, a été condamné sur d’autres pièces. — Lesquelles ? — Je ne puis pas te le dire. »
Il était excité, les pommettes rouges, l’inquiétude peinte sur son visage. Il chercha plus d’une fois à rompre les chiens : « Je suis ici dans une jésuitière. Depuis que Miribel a passé ici, le ministère est envahi