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LA COLLUSION


par les élèves des jésuites. Il n’y a que Jean-Baptiste Billot (et il se frappait la poitrine) qui ne soit pas un jésuite[1]. » Et encore : « Voici Saussier atteint par la limite d’âge. Je vais le remplacer par Jamont à la vice-présidence du Conseil supérieur. Mais qui nommer au gouvernement de Paris ? Conseille-moi. Connais-tu Riff ? Est-il républicain ? Et Kessler ? »

Ces vulgaires roueries ne trompent pas Scheurer ; il revient à Dreyfus, et, d’une chaude parole, il supplie Billot de ne pas se fier plus longtemps aux prétendus braves gens, d’ouvrir une enquête personnelle, sérieuse : « Il te faudrait tout juste une demi-journée pour la faire ; je te donne quinze jours[2]. »

Imprudente parole dont Billot s’empare aussitôt. Il promet de faire cette enquête. Pendant ces deux semaines, Scheurer, d’autre part, se taira à tous (sauf à Méline et à Darlan) de leur entretien : « Tu as déjeuné chez moi ; cela, nous ne pouvons pas le cacher ; mais nous ne nous sommes rien dit. » L’honnête homme souscrit à ces exigences ; en partant, sur le seuil : « Je t’avertis que, si tu ne fais pas ton devoir, je ne faillirai pas au mien[3]. »

Une heure après, Esterhazy recevait ce billet de Du Paty, ou plus probablement d’Henry :

  1. Scheurer lui fit observer qu’il avait placé son fils au collège Stanislas.
  2. Procès Zola, I, 116, Scheurer. — Rennes, I, 169, Billot : « Alors il me glissa dans l’oreille : « Tâche de faire une enquête personnelle ; fais-la toi-même ; je te donne quinze jours. »
  3. Rennes, I, 169, Billot : « En me quittant, il me dit : « Consulte Picquart. » Je ne lui avais pas parlé de Picquart. » — Cette assertion de Billot est démentie par Scheurer et par tous les incidents qui suivirent ; la lutte de Scheurer contre Leblois fut d’obtenir l’autorisation de nommer Picquart à Billot.