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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


chable n’eût jamais fait l’aveu d’un prétendu amorçage.

Enfin, dans leur ardeur à écraser « le complot juif », Boisdeffre, Henry et leurs associés révèlent ou confirment à nouveau leurs propres méfaits. Ils font raconter qu’une pièce terrible est tenue en réserve, qui s’abattra sur Scheurer comme un coup de massue[1] (c’est le faux d’Henry) — que la conviction des juges de 1894 a été faite en chambre du conseil (à l’insu de l’accusé) par des documents décisifs[2], — et qu’il existe quelque part, dans un inaccessible coffre-fort, la photographie d’une lettre qui émane de l’Empereur allemand, où Dreyfus est nommé[3]. Ce faux, stupide, invraisemblable entre tous, Boisdeffre lui-même en atteste l’authenticité au colonel Stoffel, à la princesse Mathilde[4] ; Henry, causant avec Paléologue, y fait allusion[5]. Le bruit s’en répand partout[6].

Contre cette avalanche de mensonges et d’outrages, Scheurer est impuissant. Il avise bien Billot qu’il connaît l’origine de cette campagne, qu’Henry lui a été signalé comme faisant des communications à la presse[7]. Nécessairement, Billot répond que « rien n’est

  1. Éclair du 31 octobre et du 1er novembre 1897 ; Libre Parole du 2 ; Intransigeant et Patrie du 4 ; Croix, etc.
  2. Patrie du 1er; Gaulois, Éclair du 3 ; Intransigeant du 5.
  3. Libre Parole du 4, Intransigeant du 5.
  4. Boisdeffre (Cass., I, 550) affirme « qu’il n’a jamais entendu parler de cette lettre autrement que par des racontars de journaux et que, par conséquent, il lui a été impossible d’en parler, comme on l’a prétendu, dans les salons où il n’avait guère le temps d’aller ». Or, j’ai établi précédemment (t. Ier, 349, note 2) qu’il en parla à la princesse Mathilde et au colonel Stoffel. Son chef de cabinet, Pauffin, en parla par la suite à Rochefort.
  5. Cass., I, 393, Paléologue.
  6. Ibid., 612, Louis de Turenne.
  7. Mémoires de Scheurer.