Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/645

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
635
LA COLLUSION


nombreuses erreurs judiciaires ; cette même justice devient infaillible dès qu’il s’agit de Dreyfus. Par une coïncidence qui eût dû faire réfléchir, la Cour de cassation allait procéder à la réhabilitation solennelle de Pierre Vaux et reviser l’erreur des juges de 1852[1]. Les mêmes gens applaudissent aux défenseurs du forçat innocent, et traitent Scheurer d’insulteur de l’armée.

Pour son client, « la solution serait qu’une balle intelligente en débarrassât » le pays[2]. L’idée de la revision est plus absurde encore que coupable. L’État-Major a cent preuves, en plus du bordereau. Les fables imbéciles qui ont rempli les journaux à l’époque du procès, reparaissent l’une après l’autre ; et l’on en a inventé de nouvelles. Dreyfus remettait, dans un café du boulevard, des documents à Schwarzkoppen. À la veille de son arrestation, il traitait pour la livraison des nouveaux canons. Il a fait des voyages suspects à Bruxelles[3]. L’un de ses frères est capitaine en Prusse[4].

Et surtout, le traître a avoué[5]. La légende des aveux, étouffée dès sa naissance, au lendemain de la dégradation, par ordre de Mercier, ressuscite maintenant que sont dissipés les nuages d’alors et que Lebrun-Renaud a signé l’imposture. Mme Dreyfus proteste[6] ; son mari est innocent, il n’a pas cessé de crier son innocence. Qu’en sait-elle ? Ce mensonge devient l’argument définitif des psychologues : un soldat irrépro-

  1. L’arrêt de revision fut rendu le 16 décembre 1897.
  2. Presse du 5 novembre, signé : « L. Balby. »
  3. Écho de Paris du 13. — L’article, qui affecte le ton d’une communication officieuse, fut reproduit par toute la presse.
  4. Patrie du 1er novembre.
  5. Intransigeant du 31 octobre, des 1, 2, 7 novembre ; Patrie, Croix, Gaulois, Éclair, etc.
  6. Lettre du 2 novembre à l’Agence nationale.