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LA COLLUSION


de plus près, il nomma la dame, du premier nom qui lui vint à l’esprit. Et comme les renseignements qu’il était censé recevoir d’elle se trouvèrent exacts, le pantin dont il tirait les ficelles fut aisément trompé. Esterhazy dit encore, mais incidemment ; que son amie lui avait promis un document important qui l’aiderait à se tirer d’affaire.

Ainsi Du Paty connut assez de cette nouvelle fourberie pour en être dupe, mais Esterhazy lui cacha avec grand soin les détails pittoresques qui, par la suite, donnèrent à cette histoire sa saveur et sa popularité, en même temps qu’elles désigneront à une critique hâtive le sot et antipathique marquis comme l’inventeur de la fable. En effet, s’il n’était pas incapable d’ourdir de louches machinations, il se fût gardé de conseiller celle-là, comme il s’en défend avec raison, parce qu’il avait déjà été soupçonné d’avoir pratiqué la pareille et qu’il ne se fût pas mis de gaîté de cœur en état de récidive[1].

Du Paty, quelques années auparavant, fréquentait, avec d’autres officiers[2], chez cette vieille comtesse de Comminges dont Picquart était l’ami ; il courtisa sa nièce. Quand la jeune fille fut fiancée à un autre, son père reçut à son sujet une lettre anonyme et bassement mensongère. Il en accusa Du Paty et porta plainte au préfet de police[3].

Le général Davout étant intervenu. Du Paty protesta qu’on l’accusait à tort[4] et qu’il était lui-même victime d’une intrigue ; puis, il rendit les lettres

  1. Instr. Tavernier, 15 juillet 1899, Du Paty : « C’est la similitude avec les faits présentés par un rapport odieux qui montre clairement qu’on a inspiré cette histoire à Esterhazy dans un but hostile à mon égard. »
  2. Le capitaine Lallemand, le commandant Curé, etc.
  3. Lozé.
  4. Cass., I, 346, Cuignet : « Je crois que Picquart avait fait


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