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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

La rédaction de Barthou fut adoptée : « C’est la seule formule, dit-il, à opposer aux journaux[1]. »

Pourtant Darlan se risqua à observer qu’une interpellation, sans doute, lui serait prochainement adressée et qu’il lui serait difficile d’y répondre, si Billot, au préalable, ne lui communiquait pas le dossier de 1894.

Billot y consentit ; Darlan, naïvement, espérait trouver dans le dossier la pièce secrète, la preuve que le jugement était illégal.

Mais pas un mot ne fut dit, ni des lettres d’Esterhazy à Félix Faure, ni de l’enquête de Picquart, l’année précédente. Ces deux noms, les ministres (sauf Méline, Lebon et Billot) les apprendront seulement, la semaine suivante, par les journaux.

Darlan, dès ce jour, fut suspect.

Au Conseil de cabinet qui suivit[2], il réclama à Billot le dossier qu’il avait vainement attendu. Billot allégua qu’il était sous scellés. Darlan offrit d’aller lui-même en prendre connaissance au ministère de la Guerre, en présence de Méline, de Billot et de Boisdeffre. Un procès-verbal en sera dressé. Cela fut admis. Puis, deux jours après, au Conseil qui se tint à l’Élysée, comme Darlan s’étonnait de n’avoir pas été convoqué au ministère, Billot riposta qu’à la réflexion il valait mieux ne pas rompre les scellés ni regarder le

  1. Cass., I, 336, Barthou : « Le cabinet estimait qu’il devait faire respecter l’autorité de la chose jugée. La décision rendue par le conseil de guerre avait pour lui la vérité de la force légale. Il ne prenait à son compte ni la culpabilité de Dreyfus ni la régularité de la procédure, mais il devait les respecter et les faire respecter tant qu’elles n’auraient pas été contredites par une décision rendue conformément aux dispositions de la loi. Et cette même note citait les termes mêmes de l’article 443 du Code d’instruction criminelle. »
  2. 11 novembre 1897.