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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il en fut d’abord dupe, mais qu’il s’aperçut ensuite que c’étaient des faux ; et il est certain qu’il n’hésita pas à le dire, dès le mois suivant. D’ailleurs, il n’avait aucune cause de haine ou d’animosité contre Picquart.

Picquart dit, de même, « qu’à son retour à Paris, Du Paty, loin d’afficher de l’animosité contre lui, témoigna de la sympathie à son égard[1] ». L’inimitié de Picquart et de Du Paty est une invention de Cuignet[2] et de Roget[3].

Enfin, à l’instruction Bertulus, Christian Esterhazy dépose en ces termes : « En ce qui touche le télégramme signé Blanche, jamais Du Paty ne m’a dit qu’il en fût l’auteur, c’est-à-dire qu’il l’eût écrit. Il a reconnu devant moi que ce télégramme était faux comme le télégramme signé Speranza, mais il n’est pas allé jusqu’à dire, je le répète, qu’il l’eût écrit. C’est Mme Pays et Walsin-Esterhazy seuls qui m’ont affirmé bien souvent que l’auteur du télégramme Blanche était Du Paty[4]. »

Les dépêches manuscrites Blanche et Speranza furent soumises à l’expertise ; l’expert Couderc déclara formellement qu’elles n’étaient de l’écriture ni de Du Paty ni de la marquise[5].

L’accord d’Henry et d’Esterhazy pour attribuer à Du Paty l’inspiration des deux faux télégrammes est, à lui seul, révélateur de la vérité. Ils les avaient rédigés (surtout la dépêche Blanche) de façon à diriger les soupçons, le cas échéant, contre Du Paty. Dès que Du Paty commença à dire que la pièce produite par le général de Pellieux, au procès de Zola, était un faux, Henry commença à insinuer que Du Paty était l’auteur des fausses dépêches Blanche et Speranza.

C’est ce que Du Paty déclara[6] formellement à l’instruction Tavernier : « Je constate, dit-il, qu’à partir du mois de

  1. Cass., I. 213, Picquart.
  2. Ibid., 346, Cuignet.
  3. Ibid., 102, Roget.
  4. Ibid., II, 238, Christian.
  5. Ibid., 34, 38 ; Rennes, III, 504.
  6. 13 juillet 1899.