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LE PROCÈS


pour être confronté avec Jeannel, dont D’Ormescheville avait supprimé la déposition, et avec Bernollin. Maurel s’y refusa. Brisset observa : « Que ce soit Jeannel ou un autre qui le lui ait remis, Dreyfus a dû avoir le manuel[1]. »

Les réponses de l’accusé, claires, précises, firent quelque impression sur le conseil. Déjà l’acte d’accusation avait paru vide, mal étayé, grotesque par endroits, quand il fait à un officier un crime de savoir plusieurs langues, de chercher à s’instruire et d’avoir connu des femmes.

VI

L’interrogatoire avait été court, hâtif. Les dépositions des témoins commencèrent dans cette même audience du 19, se poursuivirent pendant les deux journées du 20 et du 21.

Et ces débats encore, sauf un seul incident (la deuxième déposition d’Henry) « se traînèrent, selon Lépine, dans la note terne, grise, d’une affaire vulgaire[2] ». Telle fut aussi l’impression de Picquart[3] et des juges. L’imagination a prêté au procès la solennité qui lui manqua.

Boisdeffre n’avait pas été cité. Que le chef de l’État-Major général, à l’apogée de sa gloire factice et de sa popularité, tînt Dreyfus pour coupable, cela valait, pour la foule, une montagne de preuves. Son opinion était connue ; Drumont, Rochefort lui en avaient fait un titre

  1. Rennes, III, 707, plaidoirie de Demange.
  2. Cass., II, 9, Lépine.
  3. Cass., I, 379, Picquart ; « Les débats ont été assez ternes. »