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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’honneur[1]. Mais la confrontation avec le malheureux qui le croyait son protecteur, le serment peut-être, effrayaient Boisdeffre. Il avait collaboré à la préparation du crime ; il ne voulait pas « faire le coup ». Mercier lui avait demandé de déposer ; il s’était dérobé.

Gonse déposa, de son air habituel d’ennui. Il raconta comment il avait été instruit des origines de l’affaire par Sandherr, puis par Fabre et D’Aboville. Il chercha, sournoisement, à discréditer Gobert. Quand Gonse lui avait remis le bordereau, l’expert avait dit : « Le cas est simple, ce ne sera pas long. » Quelques jours plus tard, Gobert avait changé de langage : « Ça ne colle pas ! » et avait posé des questions indiscrètes.

Gonse, sur un incident qu’il avait provoqué, fut convaincu de mauvaise foi et d’ignorance.

Il prétendait qu’un officier seul avait pu fournir une note sur la couverture, que tout ce qui avait trait à cette question n’était connu que des officiers. Dreyfus exposa que c’étaient des secrétaires d’État-Major, sous-officiers ou simples soldats, qui copiaient les minutes des actes relatifs à ce prétendu mystère ; il l’avait constaté lui-même en septembre. Gonse nia. Demange interrogea alors le capitaine Tocanne, qui avait, lui aussi, surveillé l’autographie des pièces de couverture ; comme Dreyfus, il avait constaté que ces copies étaient confiées à de simples secrétaires d’État-Major[2].

Gonse était penaud. Brisset vint à son secours. « Un secrétaire d’État-Major n’aurait pas pu écrire qu’il allait partir en manœuvres. — Il aurait pu en tout cas, répliqua Demange, donner des renseignements à quelqu’un qui y allait. »

  1. Voir, notamment, l’Intransigeant du 8 novembre 1894.
  2. Cass., III, 603, note de Demange sur les débats devant le conseil de guerre de 1894.