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de Dieu, comme les bonnes mœurs ? Peut-être bien ; mais le premier prix n’est pas assuré comme le second, et ne sera pas le même ; Dieu n’en a pas mis dans nos âmes l’espérance et la certitude ; d’autres motifs nous déterminent. Pourtant, je me représente fort bien Bossuet, Fénelon, Platon, portant leurs ouvrages devant Dieu ; même Pascal et La Bruyère, même Vauvenargue et La Fontaine, car leurs œuvres peignent leur âme, et peuvent leur être comptées dans le ciel. Mais il me semble que J.-J. Rousseau et Montesquieu n’auraient osé y présenter les leurs : ils n’y ont mis que leur esprit, leur humeur et leurs efforts. Quant à Voltaire, les siennes le peignent aussi, et elles lui seront comptées, je pense, mais à sa charge.

XXIX.

Dieu a égard aux siècles. Il pardonne aux uns leurs grossièretés, aux autres leurs raffinements. Mal connu par ceux-là, méconnu par ceux-ci, il met à notre décharge, dans ses balances équitables, les superstitions et les incrédulités des époques où nous vivons. Nous vivons dans un temps malade : il le voit. Notre intelligence est blessée : il nous pardonnera,