Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/137

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ce siècle, et leur parlez de ce qu’ils ont aimé peut-être, ou de ce qu’ils voudraient aimer, songez qu’ils ne l’aiment pas encore, et, pour le leur faire aimer, ayez soin de bien parler.

Vous aurez beau faire, les hommes ne croient que Dieu, et celui-là seul les persuade qui croit que Dieu lui a parlé. Nul ne donne la foi, s’il n’a la foi. Les persuadés persuadent, comme les indulgents désarment.

Ainsi que le médecin fait souvent la médecine avec son tempérament, et le moraliste la morale avec son caractère, le théologien fait souvent la théologie avec son humeur.

C’est leur confiance en eux-mêmes, et la foi secrète qu’ils ont de leur infaillibilité personnelle, qui déplaisent dans quelques théologiens. On pourrait leur dire : ne doutez jamais de votre doctrine, mais doutez quelquefois de vos démonstrations. La modestie sied bien à la dignité ; elle sied à la majesté même. Il faut porter la défiance de soi jusque dans l’exposition