Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/149

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le degré précis de mérite, le vrai poids et le juste prix.

Rien ne nous plaît, dans la matière, que ce qu’elle a de presque spirituel, comme ses émanations ; que ce qui touche presque à l’âme, comme les parfums et les sons ; que ce qui a l’air d’une impression qu’y laissa quelque intelligence, comme les festons qui la brodent, ou les dessins qui la découpent ; que ce qui fait illusion, comme les formes, les couleurs ; enfin que ce qui semble en elle être sorti d’une pensée, ou avoir été disposé pour quelque destination, indice d’une volonté. Ainsi nous ne pouvons aimer, dans les solidités du monde, que ce qu’elles ont de mobile ; et, dans ce qu’il a de subtil, nous devons nos plus doux plaisirs à ce qui est à peine existant, à ces vapeurs plus que légères, et à ces invisibles ondulations qui, en nous pénétrant, nous élèvent plus haut et plus loin que nos sens. Pressés et poussés par les corps, nous ne sommes vraiment atteints que par l’esprit des choses, tant nous-mêmes sommes esprit !