Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’amitié qu’on a pour un vieillard a un caractère particulier : on l’aime comme une chose passagère ; c’est un fruit mûr qu’on s’attend à voir tomber. Il en est à peu près de même du valétudinaire ; on lui appliquerait volontiers le mot d’épictète : « j’ai vu casser ce qui était fragile. » chose effrayante, et qui peut être vraie : les vieillards aiment à survivre.

Avec des sens qui sont éteints, et des forces qui diminuent, on tient plus à la vie à venir qu’à la vie présente, et l’on est malheureux si, ne pouvant plus vivre de celle-ci, on ne veut pas non plus vivre de l’autre. En cherchant à retenir des biens qui fuient, avec des mains impuissantes à les saisir, on s’éloigne, on se détourne des biens qui viennent et semblent d’eux-mêmes se donner à nous, tant ils conviennent à nos faiblesses et s’assortissent avec elles, par le peu de force et de vie qu’il faut pour les goûter. à cette époque, la mémoire