Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

S’il est pardonnable de juger les vivants avec son humeur, il n’est permis de juger les morts qu’avec sa raison. Devenus immortels, ils ne peuvent plus être mesurés que par une règle immortelle, celle de la justice.

Le ciel punit souvent les fautes des gens de bien dans leur mémoire, en la livrant à la calomnie.

Dire d’un homme vain et bavard : c’est un bon père de famille, un bon voisin, un hôte affectueux, c’est le juger avec son âme.

Dire, au contraire, du père de famille homme de bien, du voisin officieux et du maître de maison hospitalier, qu’il est bavard, c’est le juger avec son esprit ; c’est oublier le visage pour la verrue, et le plan pour le point.

Attribuer à un galant homme le mérite qu’il n’a pas, c’est méconnaître celui qu’il a.