Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/332

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c’est donner des extrémités à ce qui n’en a pas pour l’œil ; c’est peindre ce qu’on ne saurait voir ; c’est circonscrire, en un espace qui n’a pas de réalité, un objet qui n’a pas de corps.

Et qu’est-ce que bien définir ? C’est représenter nettement l’idée que tous les esprits se font, en eux-mêmes et malgré eux, de l’objet dont on veut parler, quand ils y pensent au hasard.

La haute logique n’a pas besoin d’arguments ; elle convainc par la seule tournure qu’elle sait donner à ses raisons.

Tâchez de raisonner largement. Il n’est pas nécessaire que la vérité se trouve exactement dans tous les mots, pourvu qu’elle soit dans la pensée et dans la phrase. Il est bon, en effet, qu’un raisonnement ait de la grâce : or, la grâce est incompatible avec une trop rigide précision. Le raisonnement sec est un squelette qu’on fait jouer aux osselets, pour amener le coup annoncé.

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