Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des deux années que devait durer sa magistrature, ses concitoyens vinrent une seconde fois lui offrir leurs suffrages, il crut avoir acquis le droit de s’y soustraire et déclina formellement l’honneur d’un nouveau mandat.

Pendant ces deux années, d’ailleurs, l’horizon politique s’était couvert de nuages chaque jour plus sombres ; le tonnerre grondait de toutes parts, et les rugissements de la tourmente à l’entour de l’édifice social annonçaient à M. Joubert que les fonctions publiques, même les plus modestes et les plus calmes, ne tarderaient guère à devenir actives jusqu’à la violence. C’était pour lui le signal impérieux de la retraite. Il ne voulait plus qu’un abri d’où l’on pût contempler l’orage, quand, par une conjoncture imprévue, Villeneuve lui offrit l’asile qu’appelaient ses vœux.

Là vivait une de ces nobles filles qui, par une abnégation d’autant plus méritoire qu’elle est moins admirée du monde, consacrent à quelques devoirs de famille, mesurés en silence, et les belles années de leur jeunesse et le doux espoir de la maternité. Celle-ci s’était dévouée à l’éducation d’une nièce, privée de mère dès le berceau, et au soin d’une maison considérable où plusieurs de ses frères vivaient avec elle près de leur vieille mère infirme. Peut-être, au surplus, le sacrifice d’un avenir de femme lui avait-il peu coûté. La distinction de son esprit la mettait fort au-dessus des prétendants de petite ville qui pouvaient aspirer à sa main, et un célibat utile, au milieu d’êtres qu’elle chérissait, avait pu lui sembler préférable aux chaînes de quelque établissement médiocre. Quoi qu’il en soit, sa famille était une de celles où M. .Tnubcrt avait recu le