Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/37

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plus cordial accueil. Non-seulement ses frères, qui étaient gens d’esprit, avaient su apprécier tout ce que valait un tel hôte ; mais il s’était formé, entre elle et lui, une de ces liaisons pleines de charme qu’épure déjà la maturité de l’âge, et que colorent pourtant les derniers reflets de la jeunesse.

Personne ne connaissait mieux que M. Joubert les secrets de ce commerce à la fois tendre et pur. Il y portait la courtoisie élégante qui était un des priviléges de la société de son temps ; mais ses empressements s’alliaient à des habitudes de respect où se discernaient aisément les chastes influences de l’éducation maternelle. Son culte pour les femmes était désintéressé de tout calcul de vanité personnelle ou de secrets triomphes. Il les aimait pour elles-mêmes, etne les croyait pas moins nécessaires aux plaisirs de l’esprit qu’aux félicités du cœur. Habile, dans les relations du monde, à féconder, même au fond des esprits inactifs ou timides, les germes inertes de la pensée, et à les faire fleurir par une attention bienveillante, il aimait que, près de lui, chacun eût toute sa valeur et la sentît ; je ne sais même si son aimable industrie n’ajoutait pas sous ce rapport un peu d’illusion à la réalité. Mais c’était pour les femmes surtout qu’il se montrait prodigue de cette sorte de complaisance inspiratrice. Il se plaisait à interroger leur intelligence, à encourager leurs idées, à ménager même aux plus réservées un rôle dans la conversation, ce concert de la parole où quelque chose manquait, à son gré, quand des sons doux ne s’y mariaient point aux sons graves, des voix naïves aux voix savantes. Aussi, plus confiantes près de lui, les femmes se sentaient-elles plus