Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/51

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(le redire la première visite que j eus l’honneur de lui faire quelques années avant sa mort.

Mon père, son compatriote et presque son collègue, entretenait avec lui, de Bourges où le retenaient les fonctions du rectorat, une correspondance qui, engagée à l’occasion de détails universitaires, était devenue peu à peu, comme il arrive entre gens de cœur et d’esprit, plus personnelle et plus intime. Souvent, quoique fort jeune alors, j’avais été frappé du style ct de la forme des lettres de M. Joubert, lettres qu’au surplus, suivant le vœu trop bien exaucé de leur auteur, mon père éprouve aujourd’hui le regret de n’avoir pas conservées. Elles étaient écrites sur de grossier papier, et leurs caractères surannés me semblaient appartenir à un autre siècle. L’orthographe même d’un grand nombre de mots, comme auctorité, thrésors, manuscripts, sentait son vieil homme ; on eût dit d’un ancien attardé, fourvoyé au travers des âges.

Appelé cependant par la haute estime de M. RoycrCollard aux fonctions d’inspecteur-général des études, mon père vint bientôt à Paris. Ses succès universitaires, l’affection de M. de Fontanes et quelques voyages faits dans l’intervalle avaient achevé une liaison préparée par sa correspondance. Son premier soin, en arrivant, fut de nous présenter à M. Joubert.

Quoique souffrant au moment de notre visite, celui-ci voulut nous recevoir, et madame Joubert nous introduisit près de lui. Tout me parut, dans son appartement, d’une remarquable simplicité. Le seul ornement qu’on y distinguât consistait en gravures françaises ou étrangères, dont le choix avait été évidemment dicté par une prédilection décidée pour les scènes de famille. les sentiments