Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/71

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lysc l’histoire de cette haute intelligence, j’aurais insisté davantage sur les influences qui l’ont dominée etsur celles qu’elle est destinée à répandre ; mais étranger, sinon par les goûts et les travaux de ma jeunesse, du moins par les devoirs qui sont survenus depuis, aux habitudes de la critique littéraire, j’ai dû me bornera retracer les souvenirs dont je vivais environné. Peut-être, pour un grand nombre d’esprits, ne me serai-je point assez éloigné du foyer ; peut-être aurai-je retenu l’attention sur des détails trop familiers, pour conserver quelque intérêt au dehors. Mon excuse se trouve dans l’œuvre même de M. Joubert. Parmi ceux qui la liront, il en est sans doute qui ne verront qu’elle ; d’autres, plus curieux encore de beaux caractères que de belles pensées, voudront remonter de l’œuvre à l’écrivain. C’est pour ces derniers surtout que j’écris, et j’espère qu’ils ne me sauront pas mauvais gré d’avoir aidé léur recherche en leur ouvrant l’intérieur même de la famille de M. Joubert, seule retraite, après tout, où chaque caractère laisse échapper son dernier mot.

On a vu dans quelles circonstances s’était accompli son mariage. Ne trouvant plus de consolation à offrir à une grande douleur, il avait tendu sa main et ou l’avait acceptée. Ainsi s’étaient rapprochés deux caractères que séparaient beaucoup de contrastes. Madame Joubert se distinguait par la fermeté de sa raison et la sagacité de son esprit ; mais la tendresse de son âme se déguisait sous une sorte de brusquerie rendue piquante par lapromptitudeetla netteté de tous ses jugements. Onretrouvait en elle quelque chose de sa mère, « cette excellente femme qui, « sous une écorce do rudesse très-remarquable, avait le