Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/72

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« cœur le plus compatissant, les mains les plus libérales « avec l’air le plus négatif. » Pendant que M. Joubert, à iravers les perspectives d’une imagination charmée, envisageait toutes choses au point de vue poétique, sa compagne, par une de ces bonnes fortunes qu’il faudrait souhaiter à tous les gens de lettres, s’attachait à ne considérer la vie que du côté pratique et journalier. De là s’élevaient entre eux des discussions fréquentes, et qui pourtant n’etaient pas sans grâce, tant ils y apportaient l’un et l’autre de sincérité et de tendresse mutuelle. Il y avait des jours d’ailleurs où, maîtresse d’elle-même comme toutes les femmes fortes, madame Joubert se plaisait à disputer avec son mari de complaisance et d’aimable abandon ; c’étaient ceux où la souffrance venait visiter quelqu’un des siens. 11 fallait voir alors comme, près du patient, son œil se faisait serein, sa voix caressante et son propos encourageant. Il semblait qu’elle devînt plus heureuse en se sentant nécessaire, et qu’une occasion nouvelle offerte à son dévouement lui rendît les illusions d’une autre époque.

M. Joubcrt tarda peu à être père. Son journal dira mieux que moi la joie que cet événement jetait en son âme. Qu’on me permette d’en copier quelques lignes :

« 9 avril. Mon fils est né dans la nuit du 8 au 9, à deux « heures un quart après minuit. Qu’il se souvienne un « jour des douleurs de sa mère !

« 10 avril. On a présenté l’enfant aux hommes publics « et l’on a fait constater authentiquement son existence. « Au retour, il a été porté chez les amis et les voisins « curieux de le voir. Tous sans doute lui ont souhaité « des jours heureux. Qu’il soit bienveillant à son tour t et s’intéresse au bien des autres !