Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/82

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fléralion bienveillante qui est un des caractères de l’ingenieux critique. Il avait remarqué des répétitions, des erreurs de copiste ou d’imprimeur, quelques pensées obscures, quelques autres trop connues, certains chapitres surchargés de matières, certaines divisions omises et regrettabtes : mais, par-dessus tout, il se plaignait qu’une telle œuvre demeurât enfermée dans la confidence d’une demi-publicité ; il demandait qu’une édition nouvelle la mît à la portée des esprits d’élite qu’elle devait tharmer.

Moi-même, je l’avouerai, je pensais avec lui que tant de trésors ne devaient pas rester enfouis. J’essayais lentement de découvrir la pensée de M. Joubert sur tous les grands sujets abordés par sa méditation, de dégager son opinion dernière, sa doctrine, si je puis dire, des variations que le temps, l’âge ou la fantaisie avaient amenées, .le cherchais si un ordre aussi rigoureux que le permettait la nature de l’ouvrage, ne lui donnerait pas, comme enseignement philosophique et littéraire, un mérite, une utilité de plus, et s’il ne me serait pas possible d’en tirer, ne fût-ce que pour mes enfants, pour moi-même, la pensée testamentaire dont M. de Chateaubriand avait parlé, sorte de code domestique qui perpétuerait au milieu de nous les souvenirs et les leçons du foyer. Durant cette tentative, madame Joubert nous avait été enlevée, après avoir vu s’échapper au loin le nom modeste qu’elle avait cru tenir caché. Le secret en était désormais connu, et chaque jour je découvrais, dans les manuscrits que la mort venait de nous livrer, des sources non explorées, des cartons entiers dont on ne s’était point occupé, de ? lettres, des essais, des brouillons qui pouvaient faire la