leurs gestes, leurs larmes, le pli que l’habitude de la douleur a imprimé à leurs lèvres, il devine tout ce qu’ils ressentent et se trouve ému à son tour. Il n’y a chez lui ni théorie philanthropique, ni rêveries humanitaires, ni pitié grandiloquente, comme chez V. Hugo par exemple, il y a tout uniment la réaction d’un cœur simple et naturellement bon, au contact des duretés de la vie que révèle une observation aiguë. Et c’est sans doute parce que les qualités de cœur et d’esprit de notre poète s’y trouvent portées à leur plus haut degré d’alliance et d’expression, que les Poèmes des Humbles nous paraissent son chef-d’œuvre. Il dit la tendresse du tourtourou et de la petite bonne, exilés à Paris, et se racontant à mi-voix, sur un banc du Luxembourg, leurs souvenirs et leurs regrets — le poème navrant de la nourrice, laissant son enfant au village, entre les mains d’un ivrogne qui le tue, pour aller à la ville vendre son lait, — la grève des forgerons que tout le monde connaît et qu’il est inutile de rappeler — le fils qui sacrifie son avenir pour soigner sa mère… etc. Tous ces poèmes sont attendrissants, délicieux, et nous les mettons à part dans notre admiration pour l’œuvre entière de F. Coppée.
Si j’ai bien gradué mon exposition, vous avez dû comprendre. Messieurs, comment Coppée est peu-à-peu sorti de lui-même pour s’élever à des compositions plus « objectives ». Il a d’abord dans le Reliquaire et les Intimités raconté ses sentiments personnels, ses amours, ses impressions. Puis il a observé, réfléchis dans son âme, les spectacles du monde extérieur. Enfin dépouillant de plus en plus ses récits de ses sentiments intimes, et empruntant ses matériaux à l’observation extérieure et même à ses lectures, il a fini par des récits épiques. Lui aussi il a cédé à la sensation d’écrire une petite légende des siècles. Je citerai les Yeux de la Femme, Sennachérib, le Pharaon, un Évangile, la Tête de la sultane, les Parias… etc. Certes dans tous ses récits, il garde encore son incontestable maîtrise, son originalité
