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L’INCONNU

tais me riaient au nez. Après trente courses inutiles, je dénichai enfin, rue de la Verrerie, un droguiste en gros qui me prit à l’essai. Quel four !

On me gratifia de vingt francs par mois pour ficeler des paquets dans un sous-sol humide, de six heures du matin à sept heures du soir, et on ne chercha nullement à m’inculquer cette science mystérieuse du commerce que j’ignorerai toujours. Au bout de huit mois, exaspérée de constater que mes mains blanches passaient à l’état de pattes de homard, ma mère risqua des reproches au droguiste, qui me flanqua à la porte en déclarant que je n’étais bon à rien.

Je résolus de tâter d’une autre profession. Un ami me mena chez un ornemaniste. Tout en modelant des rosaces d’appartement pour les bourgeois, je m’amusai à dessiner, comme je pus, le soir rue de l’École-de-Médecine, le dimanche, souvent même dans la rue, où je croquais les passants sur un album de poche.