Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/59

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A huit heures, la nuit arriva avec sa rapidité foudroyante sous cette latitude. Nous nous dirigeâmes, Ballière et moi, vers le quai où Grantille, blotti dans la barque, nous attendait.

En descendant la rue de l’Alma, nous entrâmes au café Arduser, et nous fîmes servir un half and half, boisson composée d’un mélange de porter et d’ale. C’était notre débauche des grands jours, les deux bouteilles de bière coûtant 5 francs, dans cette ville du bon marché. Après avoir absorbé un verre de bière, nous priâmes le garçon de nous réserver les deux bouteilles entamées ; nous reviendrions sans doute le soir même ou le lendemain, achever notre ruineuse consommation.

J’avais toutes les allures d’un paisible déporté qui, chaque soir, se dirige vers le rivage, pour y respirer l’air frais et vivifiant de la mer, sa journée accomplie.

Pour garantie de mes intentions pacifiques, j’étais porteur d’un superbe parapluie que j’avais acheté quelque temps auparavant et qui servit, pendant la traversée que nous allions faire, de texte aux plaisanteries des évadés.

Le cher parapluie fut appelé le « pépin de l’éva-