Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/60

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sion ; » il faisait partie de la petite famille, et je me souviens que tous, nous tenions à honneur de ne pas l’égarer. À Londres encore, après un voyage de six mille lieues, je le montrais avec orgueil à mes camarades d’exil. C’était notre talisman.

Arrivés au rivage, et après nous être assurés que nous ne pouvions être aperçus d’aucun surveillant, nous nous jetâmes dans la barque et, doucement bien doucement nous prîmes le large. Ballière et Bastien ramaient avec lenteur pour ne pas éveiller l’attention. Mes camarades m’avaient promu au grade de capitaine, et je m’efforçais de barrer de manière à couper convenablement la lame et à éviter les stationnaires et les récifs.

La rade était profondément calme à cette heure du repos complet ; la surveillance, s’abandonnant tout entière au doux far-niente de la digestion, nous laissait toute latitude.

Je n’étais pas sans une grande anxiété, quant au succès de l’expédition. Le ciel était sans étoiles, et de gros nuages noirs courant dans l’espace obscur nous menaçaient d’un orage prochain. Je n’apercevais sur ma droite que des masses confuses qui se détachaient nombreuses de la presqu’île Ducos.

Comment reconnaître l’ilôt Knauri, entre toutes ces pointes qui découpent la rade ?

Je comptais cependant, comme point de repère, sur la lumière des établissements de l’île Nou situés à peu près à la hauteur du camp militaire de la déportation.